La fraternité des langues (suite)
Bien sûr, l'origine, parfois obscure de prime abord, de certains mots, peut aussi provenir du brassage naturel ou événementiel des peuples. Des Wallons peuvent se demander d'où peut bien provenir qu'une abeille (ou une guêpe) se dise "ènn' wasse". Ce à quoi nous répondrons que, en anglais, cet insecte se désigne par le mot " a wasp". Il s'agit donc simplement d'une transformation du mot anglais et le phénomène a sans doute vu le jour lors de l'arrivée des troupes anglaises ou américaines pendant la guerre. Mais pour en revenir à notre sujet au niveau du cyrillique et des langues occidentales ainsi que de la fraternité des langues en général, il faut faire référence au glagolitique et c'est notre correspondante bien connue, Mme Svetlana Popova qui s'en chargera dans l'article qui suit:
UNE FILLE GRECQUEAprès l'adoption du christianisme par la Bulgarie en 864, la langue grecque restait une langue officielle du royaume bulgare. On le parlait aux églises, dans les monastères, dans la rue et sur les marchés. Tous les documents d'Etat étaient aussi écrits en grec. Or, par cet état de choses la Bulgarie risquait de perdre son indépendance et le tsar Boris Ier cherchait des moyens pour répandre la nouvelle religion en slave, langue que parlaient les Bulgares et les Slaves, citoyens de son pays. De plus, le peuple bulgare comprenait avec peine les sermons des prêtres grecs. L'empereur de Byzance trouva une issue. Il ordonna d'envoyer dans des pays néophytes non seulement des prêtres mais aussi des savants qui traduiraient l'Ecriture sainte dans les langues locales. Ainsi, les Goths, les Syriens, les Arméniens se procureraient leurs propres alphabets. Le christianisme activa le processus d'association des Slaves et des Bulgares en un peuple. Peu à peu, les Bulgares s'assimilèrent à l'énorme multitude slave et ne gardèrent que le nom du pays: Bulgarie. Au cours du temps, la langue slave devint commune à tout le peuple de la Bulgarie. Mais elle ne possédait pas encore son écriture. C'est pourquoi les frères Cyrille et Méthode furent chargés par l'empereur byzantin de créer l'alphabet slave. Les deux frères étaient très instruits et se tirèrent parfaitement de quelques missions. Ils étaient originaires de la ville de Thessalonique et possédaient parfaitement la langue des Slaves bulgares qui constituaient la plupart des habitants de la région. En 855, ils créèrent le premier alphabet slave et l'appelèrent "écriture glagolitique" ("glagol" du vieux slave veut dire "mot", dans les langues slaves contemporaines "glagol" signifie "verbe" et également "mot, parole") - (voir à ce sujet le lien suivant: http://www.cl.bas.bg/Library/Bulgaria/bezik3.html) Les lettres y ont une forme géométrique et, selon certains chercheurs, représentent trois symboles du christianisme: la croix, le cercle et le triangle. C'est avec la glagolitsa que les Saints Cyrille et Méthode acceptèrent l'invitation de Rostislav, prince de la Grande Moravie, de traduire la Bible en slave pour les habitants de son pays. Cependant, il n'était pas commode d'écrire avec ces lettres. Et les disciples des saints frères, étant invités par Boris Ier en Bulgarie, créèrent un nouvel alphabet qui fut nommé "cyrillique" en l'honneur de Cyrille. On admet qu'il fut créé par Clément d'Ohrid en se basant sur l'alphabet grec et en y ajoutant quelques lettres propres à des sons des Slaves bulgares. Comme les lettres de l'alphabet grec avaient leurs noms ("alpha", "bêta"... d'où d'ailleurs vient le mot français "alphabet" et le mot russe "alphavit" de "alpha" et "vita" du nouveau grec), les lettres du vieux slave avaient aussi leurs noms: "az", "bouki"... . Ces deux premières lettres donnèrent le mot russe et bulgare "azbouka" qui veut dire en français "abécédaire", mot dont l'origine est aussi celle des premières lettres de l'alphabet français. Pour que les élèves bulgares du Moyen Age puissent apprendre facilement les lettres et leur ordre, ils apprenaient par coeur une poésie spéciale relative à l'alphabet. Toutes les lignes commençaient par une lettre différente, appartenant à l'alphabet en question. Ensuite, les élèves ne répétaient plus que le premier mot de chaque ligne. Ainsi, toute la poésie fut oubliée et ne fut pas conservée jusqu'à nos jours. Les premiers mots des lignes restèrent dans la mémoire populaire et ils devinrent les noms des lettres du vieux slave. Après l'échec de la mission des Saints frères Cyrille et Méthode en Grande Moravie, les Slaves Occidentaux cessèrent de se servir de la glagolitique. L'écriture slave fut remplacée par l'alphabet latin, celui-ci étant spécialement adapté aux sons de la langue slave. Jusqu'à nos jours, tous les Slaves Occidentaux (Tchèques, Slovaques, Polonais), certains Slaves de Sud (Slovènes, Croates) se servent de l'alphabet latin. Tous les Slaves de l'Est (Russes, Ukrainiens, Biélorusses), les Bulgares, les Macédoniens et les Serbes utilisent l'alphabet fondé sur le cyrillique avec toutefois certains changements et compléments. Aujourd'hui plus de 300 000 000 personnes se servent du cyrillique. La langue latine est appelée la langue mère de la plupart des langues du monde d'entier. L'alphabet latin dont se servaient encore d'anciens Romains, est à l'origine de presque toutes les langues de l'Europe Occidentale et se forma comme telle aux IV-IIIe siècles avant J.-C. Si nous réfléchissons un peu, chacun de nous pourrait trouver dans sa langue maternelle des mots d'origine latine. C'est surtout facile pour ceux qui parlent les langues romaines, mais aussi pour les anglophones et même pour ceux qui parlent les langues slaves. Six cas de la déclinaison des noms dans les grammaires russe, ukrainienne, bièlorusses et les mêmes noms de cas, quatre cas dans la grammaire allemande, systèmes des verbes des langues romaines. Personne ne s'étonne des mots "exlibris" ou "excursion" ni des termes de médecine. Croyez-vous que "excavateur" vient du mot anglais? Oui, mais le mot anglais est venu du latin: "excavo"! Voici les versions diverses du même prénom masculin, et chacun en trouvera certainement un dans sa langue maternelle: Ivan, Ioan, Yan, Ien, John, Jean, Juan, Johann, Joan, Yovan. Les prénoms féminins sont de l'Europe Occidentale et de l'Est proviennent également de la même racine: Jeanne, Jane, Janna, Yana, Joanna, Yoanna, Ivanna, Ivanka. De plus, par brassage de populations et phénomènes de mode, des prénoms à consonance slave ou assimilés se retrouvent en Occident et des prénoms de style occidental se retrouvent à l'Est!Mais si nous nous souvenons que le latin est issu du grec... il ne reste qu'ajouter que, comme tout chemin mène à Rome, toute langue mène au grec. Si la langue latine est la mère des langues indo-européennes, on pourrait dire que c'est le grec qui est leur père. Et alors qui sommes nous tous, habitants de l'Atlantique à l'Oural?
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