![]() En effet, ces fresques sont les premières compositions de genre, témoignent de la conscience nationale de leur auteur et sont agrémentées de paysages d'un réalisme surprenant. Ainsi, le Jugement dernier - qui fit scandale en son temps - montre les contemporains de Zographe, paysans et bourgeois, en costumes traditionnels. Petit clin d'il du maître, motivé par le fait que les notables de Plovdiv s'étaient opposés à l'ouverture d'une école bulgare dans leur ville: on pouvait reconnaître les épouses de ceux-ci dans le groupe de pécheurs livrés aux flammes de l'enfer, tourmentées par des diablotins grimaçants. On peut remarquer aussi, parmi les personnages peints, un autoportrait de l'artiste. Quittons l'église et, après être passés au musée et à la bibliothèque, rendons-nous au réfectoire (Pas pour bâfrer, bande de goinfres! Nous sommes ici en plein banquet spi-ri-tu-el) qui occupe une partie du premier étage de l'aile méridionale des bâtiments d'habitation. Le coloris des peintures (dont la plupart furent exécutées en 1643), les sujets variés, la richesse des images y produisent un effet extraordinaire. La voûte est recouverte de portraits d'écrivains et de philosophes de l'antiquité, tandis que sur les murs longitudinaux se suivent des images et des événements bibliques. On y trouve également la représentation - très rare dans l'art bulgare - des conciles ecclésiastiques, et ce, dans leur totalité et par ordre chronologique. Du côté nord, une vaste composition d'Alexis Athanassov (seconde moitié du XIXème siècle): la Procession de l'icône miraculeuse. Basée sur le modèle d'une plaque de cuivre de 1807, servant à l'impression d'estampes du village de Batchkovo et de ses environs, elle représente - avec ses pèlerins vêtus selon la mode de l'époque - un véritable tableau de murs.
Mais ce qui fait de l'ossuaire un monument exceptionnel de la culture bulgare, c'est son ornementation picturale. Ainsi, des fresques datant les unes de la fin du XIème et du début du XIIème siècle, les autres du XIVème, y ont été conservées. Les premières - documents précieux illustrant une époque qui ne nous a laissé que peu de témoignages artistiques - appartiennent à un art aulique: le dessin accusé et puissant de personnages aux visages sévères et contemplatifs, les coloris éclatants soulignent l'épanouissement du système théocratique sur lequel était fondé le pouvoir impérial byzantin. Parmi les peintures murales du XIVème siècle, on notera particulièrement les portraits, grandeur nature, du tsar Ivan-Alexandre et de la famille impériale. Bien que fortement endommagés, ils présentent un intérêt historique certain et attestent de la sollicitude des souverains bulgares du second Empire envers le monastère. Histoire:
Le verrou ethnico-religieux posé, Grigori offre au monastère nombre de domaines dans le Rhodope, dans la plaine de Thrace et même jusqu à Thessalonique. Malgré la mort du généreux donateur au champ donneur (Oh! Le mauvais jeu de mots) en 1086, le monastère réussit à garder son indépendance et sa spécificité religieuse pendant plus de deux siècles et demi, y compris lorsqu'il passe en territoire bulgare suite à la victoire du tsar Kaloïane, en 1216. Après 1344, le tsar Ivan-Alexandre affermit la souveraineté bulgare sur le Rhodope, dote richement le monastère, l'agrandit. Celui-ci devient alors un important centre spirituel et culturel pour les Bulgares. La confrérie monacale se modifie pour la première fois et, vers 1371, ne compte bientôt plus que des moines bulgares. Entre temps, le monastère est passé en 1364 sous le joug ottoman, qui grignote petit à petit l'empire. Peu après le massacre par les Turcs de tous les notables de Tarnovo (1393), arrive un hôte inattendu: le patriarche bulgare Evtimi, assigné à résidence à Batchkovo par l'occupant musulman. Celui-ci, qui pourtant - en l'absence du tsar Ivan-Chichmane - a dirigé la résistance de Tarnovo à l'envahisseur, n'a pas subi le sort des 120 autres notables: "la noblesse qu'irradiait sa personnalité a arrêté la main des égorgeurs". Loin de se décourager, il poursuit son uvre dans l'exil et y forme de nombreux disciples. Au XVIème siècle, dans l'orage de la tentative d'islamisation des populations bulgares, le monastère est rasé. Il se relève de ses ruines dès la fin du siècle et, en 1706, compte déjà plus de cent moines ainsi qu'une grande bibliothèque remplie de manuscrits anciens. En 1745, il passe sous l'autorité du patriarche de Constantinople. Plusieurs moines grecs y emménagent et tentent de s'y imposer. Mais, dès le XIXème siècle, la tendance bulgare reprend le dessus. Après une querelle de clocher, pour savoir qui aurait l'autorité sur l'église, le monastère revient sous l'autorité de l'exarque bulgare en 1894. Les derniers moines grecs quittent en 1906 et, en 1923, un incendie impose la restauration de certains bâtiments. Aujourd'hui, chaque 15 août, les Tsiganes y fêtent la Vierge tandis que, le 9 mai, s'y déroule la très populaire Procession de l'icône miraculeuse. ![]() ![]()
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