"La Grande Tarnovo", par opposition à Malko Tarnovo ("La Petite Tarnovo"), ville du sud-est, voisine de la frontière turque. Capitale du deuxième Empire bulgare (1185-1366), Tarnovo est une ville captivante. Bâtie en amphithéâtre au-dessus des trois boucles de la Yantra, sur une falaise à l'à-pic brutal, la ville moyenâgeuse, de toutes les couleurs de l'ocre, s'y reflète en se brisant en mille et une facettes.
Il faut la découvrir (de préférence à l'aube ou au soleil couchant) du pont dont l'arche métallique franchit d'un seul élan la rivière; il faut ensuite flâner, sans souci du temps qui passe, dans les ruelles du bord de l'eau. Photographes et cinéastes y font une débauche de pellicule, tentés à la fois par les maisons à arcades et colonnettes, l'inattendu des rosiers escaladant les balcons, l'harmonie créée par les lilas s'accrochant aux surplombs que soutiennent des poutres obliques.
Des trois promontoires que sculpta la Yantra, celui du Tsarévetz est le plus curieux, encerclé - sauf à l'ouest - par la rivière. L'enceinte fortifiée abritait les palais royaux et la demeure du patriarche bulgare.
Dans la Tour de garde, construction carrée habitée de légendes, Baudouin Ier, chef de la IVème croisade et empereur de Constantinople, fut enfermé - après sa défaite, en 1205, près d'Andinople - par le tsar Kaloïane. C'est aussi de cet endroit que l'on jetait les criminels dans la rivière bouillonnant deux cents mètres plus bas.
Les édifices religieux sont nombreux à Tarnovo. Rien que sur la colline de Trapézitsa, elle aussi ceinturée de murs épais et où demeuraient les boyards, on a découvert les fondements de 17 églises et chapelles.
Dans le quartier d'Assèn, il faut voir l'antique chapelle Saint-Dimiter, où fut - en 1186 - proclamée la libération de la Bulgarie du joug byzantin et l'avènement du deuxième Empire bulgare, l'église des apôtres Pierre et Paul et celle des Quarante-Martyrs.
Très abîmées, les superbes fresques du XIVème siècle de l'église Saints-Pierre-et-Paul ont fait l'objet d'un minutieux travail de restauration.
Tout comme celles du XIIIème siècle de l'église des Quarante-Martyrs (narthex), elles attestent du degré de perfection atteint par l'école de Tarnovo durant cette période.
C'est dans l'église des Quarante-Martyrs, édifice à l'architecture romane très dépouillée, que fut enterré le dernier tsar bulgare de la région mais son tombeau fut pillé.
Epargnées par la dévastation turque (la décoration arabe apparaît encore dans le haut des colonnes) seules subsistent deux inscriptions gravées, l'une sous le règne du khan Omourtag (N.D.L.R.: on suppose que le pilier vient d'ailleurs), l'autre sous celui d'Ivan-Assèn II. Celui-ci y parle de sa victoire remportée sur Théodore Comnène à Klokotnitsa, en 1230, à la suite de laquelle il fit parachever et peindre l'édifice commencé par son père.
La rue Gourko est non seulement la plus longue de la ville, c'est aussi la plus intéressante. Pour son architecture particulière de la fin du siècle dernier, il faut surtout voir la maison portant le n° 88. ce fut celle d'un riche commerçant, Dimo Sarafina.
On achève de se faire une idée de la ville en passant par la rue Vastanicheska où, au n° 14, se trouve la maison du Petit Singe (1849), de style typiquement national du maître bâtisseur du XIXème siècle Kolio Fitchéto (les corniches à lignes ondulées caractérisent son style architectural), auquel on doit également l'ancien konak (édifice administratif turc) et l'auberge Nicoli (rue Rakovski), calquée sur les grandes auberges de Constantinople, mais d'une architecture beaucoup plus riche (galeries à arcades aux deux étages en encorbellement, parapets en forme d'arcs, voûtes intérieures à baldaquins).
L'étage inférieur de l'ancien konak (rue Ivan Vazov) communique avec les bâtiments de l'ancienne prison turque (texte extrait - et actualisé - de "La Bulgarie", édité par l'Office National du Tourisme Bulgare - Bruxelles 1967).
Voici à présent une photo qui nous a été communiquée par Madame Svetlana Avramova, attachée à l'Ambassade de Bulgarie et que nous remercions vivement au passage. Nous apprécions tout particulièrement cette photo de la colline de Tsarevets à Veliko Tarbovo (voir notre article sur Tsarevets) car elle constitue un véritable catalyseur d'imagination qui permet aisément de comprendre pourquoi tant de photographes, amateurs ou professionnels se pressent dans la cité royale.
Il n'est guère besoin de nombreux efforts pour se représenter, au travers de ce cliché grandiose, les âpres combats médiévaux, la découpe de l'épreuve met parfaitement en relief le caractère imposant des fortifications et la luminosité plonge le paysage dans une ambiance féerique qui fait inévitablement penser aux récits de J.R.R. Tolkien et de son Seigneur des Anneaux. On croirait facilement l'endroit hanté de vampires ou d'autres entités dont le
CERPI est friand. Mais que le lecteur et le voyageur se rassurent: aucun monstre ne sévit dans cette ville et si la Bulgarie est un coin de paradis, l'une des portes qui y mènent se situe à Veliko Tarnovo!